Le clown s’exprime de manière décalée, avec une communication plus corporelle que langagière. « Sujet, verbe, complément » est son leitmotiv. Le travail du clown facilite l’accès à notre ressenti, nos sensations, nos émotions. Il permet d’accéder à des mémoires corporelles en sollicitant la partie la plus archaïque de notre cerveau : le cerveau reptilien. Il a la capacité de (r)éveiller des circuits neuronaux ankylosés, de libérer des émotions cristallisées. L’art clownesque nous plonge dans nos sensations corporelles. Il aiguise nos sens. Il (r)allume notre partie animale, notre énergie primale, notre force vitale, notre source de vie.
On ne fait pas le clown. On est clown. Ici, il ne s’agit pas de faire mais d’être. Le travail du clown nous demande de lâcher notre côté volontaire et notre envie de vouloir bien faire. Il invite à arrêter de penser au résultat et d’être juste dans le ici et maintenant. Il nous apprend à faire le vide dans notre tête et à repasser par le corps, les sensations, les émotions. Nous apprenons alors à écouter nos sensations corporelles, à faire confiance à notre corps. Notre grande difficulté sera d’accepter d’être dans un lâcher prise et de consentir à ne rien contrôler. Le contrôle fait partie de notre système d’évitement. Ce système d’évitement, à l’époque, nous l’avons construit pour nous protéger. Mais à présent, il nous empêche d’être proche de nous. Accéder au lâcher-prise n’est pas chose facile, nous avons à déjouer toutes nos stratégies inconscientes d’évitement et à dompter notre mental pour qu’il cesse de nous harceler avec ses jugements, ses pensées négatives, ses messages saboteurs, sa volonté de vouloir tout contrôler et de comprendre. Le travail du clown nous aide à nous aimer davantage.
Accéder à notre clown demande d’identifier, d’accepter et d’accueillir l’émotion qui se présente à nous, sans jugement ni honte. Le clown n’a pas la pudeur des émotions. Il ne cache pas son état d’être. Il le livre. Il libère cette énergie qui a besoin d’être dite. Il l’offre à la manière de l’enfant. L’émotion est alors belle à voir. Le clown partage ses émotions pour qu’elles soient honorées et appréciées dans toute leur palette du rire aux larmes, du souvenir au présent, de la dérision au sérieux. Le clown nous apprend à oser vivre notre émotion sans honte et à l’offrir.
L’émotion vient du latin motio qui signifie action de mouvoir, mouvement. Le clown utilise l’émotion comme un carburant, un moteur. Elle permet l’action. Notre clown ne joue pas l’émotion. Il vit l’émotion. Il la laisse circuler et s’exprimer dans tout notre corps. Le clown se nourrit et transforme les émotions en une alchimie créatrice. L’émotion est énergie de vie. Elle décuple nos forces, notre élan créateur. Nous touchons alors à notre puissance de vie.
Le clown ne cherche pas la reconnaissance, dans le sens où il n’agit pas pour obtenir l’admiration ou le rire du spectateur. Le clown est authentique. Si derrière notre nez, nous cherchons à faire rire ou à faire pleurer, nous sommes alors à côté de notre nez, de notre authenticité. La première personne à qui nous essayons de mentir dans ce cas: c’est à nous même. Notre nez de clown agira alors comme un effet miroir : nous nous prendrons « la main dans le sac ». L’erreur serait de se juger ! Nous avons besoin de toucher ce piège, notre piège afin d’en prendre conscience pour ensuite le déjouer. Le chemin commence d’abord par le fait de s’en amuser, de l’accepter afin que cette tentative de surpercherie puisse être source d’apprentissage. Nous avons à dépasser notre propre « juge-ment ». Le travail du clown rend les cartes de noblesse à l’erreur. Elle devient enseignement. Au cours du travail clownesque nous percevons que sans erreur, sans imprévu, il ne se passe rien. Au contraire, si nous acceptons l’imprévu ou l’erreur alors ceux-ci peuvent être sources de création. Nous allons créer avec ce qui est là, avec ce qui est présent à nous. À l’image de ces grandes découvertes dont l’origine était issue d’une erreur. Dans cette pratique artistique, notre vision de l’erreur peut évoluer. Elle n’est plus laide ou honteuse. Nous apprenons au contraire à l’honorer. Régulièrement, nous avons à nous rappeler « qu’il n’y a pas d’apprentissage sans erreur ». Adulte, nous n’avons plus la patience que nous avions enfant. Pourtant, il nous a fallu beaucoup de temps et de chutes avant d’apprendre à faire du vélo. Adulte, pris par notre égo, nous voudrions arriver tout de suite à la réussite sans passer par la case « erreur ». Si nous refusons l’erreur, nous refusons alors d’apprendre, de grandir, de changer, d’évoluer. Le travail du clown nous aide à l’accepter et à lui rende grâce. Nous sommes des êtres humains parfaitement imparfaits.
Nous avons besoin d’identifier où nous en sommes pour savoir où nous allons ? L’art clownesque nous met avec douceur sur le chemin de l’écoute du plus profond de nous, de l’expérimentation de l’inconnue, de « l’oser » lâcher notre mental pour explorer notre partie animale. C’est un outil qui aide à sortir, à déprogrammer nos schémas.